Une soirée enthousiasmante

La soirée du 17 janvier 2013 au Prisme d’Elancourt intitulée «  Vive la cotisation sociale, pour assurer un salaire à vie à tous ! », faisant partie du cycle de l’Université Populaire 78 (UP78) et animée par Bernard Friot, fut très réussie.

Environ 65 personnes, dont une fraction appréciable de nouvelles têtes, ont pu apprécier l’originalité et à la profondeur du discours de Bernard Friot, ainsi que son humour.

Bernard Friot est économiste et sociologue, membre fondateur de l’Institut Européen du Salariat, auteur de nombreux ouvrages dont L’enjeu des retraites (2010) et L’enjeu du salaire (2012), tous les deux aux éditions La Dispute.

Il montre que les bases de sortie du capitalisme sont déjà disponibles dans la cotisation sociale. Nous socialisons déjà une grande part de la richesse à travers les cotisations sociales payées par les employeurs, qui assurent notamment le salaire des retraités. Il est possible de prendre appui sur cette expérience réussie de la cotisation sociale, en la généralisant sur deux aspects :

  • assurer un salaire à vie dès 18 ans reconnaissant la qualification personnelle de chaque individu
  • assurer un niveau d’investissement suffisant

Le but étant d’en finir avec « le pouvoir d’achat », le marché du travail, la propriété lucrative, le profit, la dette...

Les points principaux abordés lors de cette soirée ont été :

  • la nécessité de déconstruire le vocabulaire et le discours capitaliste, qui parle de “ponction” au lieu de cotisation, de “dépense” pour les fonctionnaires au lieu de création de richesse par les fonctionnaires, etc. Les discours du PS, du FdG, du NPA, et d’ATTAC, en réutilisant systématiquement les termes capitalistes, sont perdants d’avance. Et trop souvent ces discours ne sont que de l’aménagement de l’approche capitaliste. Par exemple demander un SMICà 1500€, taxer le capital, etc ce n’est pas sortir du système capitaliste, c’est l’aménager pour le rendre plus "supportable". C’est dans une autre direction qu’il convient d’aller. Ainsi il "suffirait" de prolonger ce qui a été mis en place par le CNR (la cotisation sociale, et le fonctionnariat dans ses principes et son fonctionnement) pour être "révolutionnaire".
  • l’importance d’attacher le salaire à un grade ou une qualification reconnue (cas des fonctionnaires) plutôt qu’à un emploi (et donc pas à la personne).
  • l’importance également de reconnaître la qualification d’une personne, inchangée lors du départ à la retraite, et qui devrait déterminer le montant de sa pension, vue comme la continuation du salaire.
  • la casse actuelle du service public, ou plutôt sa transformation en entreprise privée (mastérisation pour l’EN, LOLF, tarification à l’acte pour les médecins...). Plutôt que les hôpitaux soient financés par une subvention de la SS et n’aient rien à rembourser, le capitalisme voudrait bien qu’ils se construisent comme les cliniques privés en allant emprunter sur les marchés....
  • suppression de la propriété lucrative pour la remplacer par une cotisation et subvention.

Sur ce dernier point, Bernard Friot insiste sur l’importance de la création d’une cotisation économique payée par les entreprises (équivalente à la cotisation sociale), cotisation qui irait, comme la cotisation sociale, dans des caisses spécifiques, lesquelles paieraient donc les salariés ainsi que les investissements des dites entreprises. Il n’y aurait donc plus de crédit, donc plus d’intérêts. Bernard Friot insiste également sur le fait que 40% de la population actuelle bénéficie déjà d’un salaire à vie : ce sont d’une part les retraités, et d’autre part les fonctionnaires titulaires dont le salaire est uniquement dépendant de la qualification de la personne et non, comme dans le privé, du poste occupé (l’emploi). Ce fait permet de mieux comprendre les attaques de l’oligarchie dominante contre ces acquis : traiter les bénéficiaires de “privilégiés”, transférer le maximum de la fonction publique vers le privé (vers la disparition des fonctionnaires - LOFT, RGPP), et transformer la pension actuelle (salaire continué) en rente liée exclusivement au montant des cotisations payées, calculée pour la récupération de la mise et pas plus (donc tenant compte de l’espérance de vie de la classe du retraité au moment de la liquidation de la retraite), sans référence au taux de remplacement du dernier salaire (ou des meilleurs salaires). Les divers discours de droite comme de gauche tendant à remplacer la cotisation par un impôt, et prônant la mise en place du « New-Public-Managment » afin de faire pénétrer dans la fonction publique les mécanismes et règles des entreprises capitalistes, participent donc des attaques l’oligarchie dominante contre les acquis sociaux.

Les nombreux militants présents ont trouvé la soirée très stimulante, mais les nouveaux venus ont peut être manqué de connaissances préalables pour bien suivre le débat. Ce qui donne des idées pour plus de développements sur ce sujet l’année prochaine, par exemple sous la forme d’une série d’ateliers. Une autre piste serait un débat confrontant les propositions de Bernard Friot avec l’approche des distributistes qui souhaitent plutôt une allocation universelle basée uniquement sur l’âge et quasiment la même pour tous, afin d’en examiner les conséquences sur les sociétés correspondantes.

Pour plus d’information, vous pouvez consulter le site de Réseau Salariat, une autre association d’éducation populaire spécialisée sur ces sujets.

Pierre Cousin, 25 janvier 2013